Le philosophe Mikhail Bakhtin définit le Réalisme Grostesque comme étant le type spécifique de rapport au monde expérimenté́ au Moyen-Âge lors du Carnaval. Un monde où le Ventre, le Bas, l’Inférieur s’exprime, et où ce qui est en temps normal socialement impensable se produit. Les cérémonies religieuses, le pouvoir du Seigneur y étaient tournés en dérision, rejoués, moqués, inversés, annulés.
La force de ces pratiques, c’était l’engagement de la société toute entière dans des moments à vivre et à faire vivre ensemble. Tout y était expérimenté́ sur un mode parodique, abondant, grotesque, absurde, paillard, fantastique et dangereux ; ainsi se définissaient les bases d’une nouvelle perception cosmique et magique du monde.
Ce qui inspire les deux artistes c’est cet engagement à la fois festif et perturbant, qui ne se limite pas à la critique ou au commentaire, et n’admet aucune distance des participants : tout le monde vit le réalisme grotesque, et participe à son pouvoir de réenchantement et de déformation de la réalité́. Leur proposition s’inscrit dans cette dynamique : bouleverser, faire appel à tous les sens, produire un décalage de la perception et une remise en cause des normes et des hiérarchies conventionnelles.
Cette approche leur semble particulièrement percutante dans notre monde moderne “désenchanté”et désormais même en grande partie digitalisé, numérisé, contrôlé, quantifié, surveillé. Ils ont la volonté de ressentir et de faire ressentir, voir, toucher, un monde parallèle au nôtre où s’interpénètrent réalité et fiction, image et sculpture, sons et lumières, conscient et inconscient. La bribe, le fragment, le bug, le palimpseste sont quelques-uns de nos mots clés. Chercher dans les limites des effets numériques pour faire advenir le nouveau, le bizarre, l’inattendu. Ils se situent à la croisée de la mimesis, de la modélisation du réel, et de la représentation illusionniste.
L’idée est de produire des œuvres qui s’adressent au corps du spectateur, invité à se mouvoir et à interagir avec les œuvres : danser, s’allonger, toucher, se laisser aller à une transe ou un demi-sommeil. Une salle où s’anime des formes et où le corps s’anime en retour, un monde magique et introspectif.
Pour se faire, les artistes souhaitent développer une installation regroupant vidéo, composition musicale et travail de sculpture, inspiré du mythe de Zeuxis et Parrashius (voir le résumé en bas d’article). Cette histoire servira de trame de recherche autour des limites des effets numériques pour faire advenir le nouveau, le bizarre, ou encore l’illusionnisme.
Pendant un mois de résidence, les artistes souhaitent travailler plus spécifiquement sur les modes d’altération que les outils numériques produisent sur les images, leur but étant aussi d’élargir leur vision sur ces outils, et de questionner comment les nouvelles technologies nous séduisent tout en nous aliénant.
Leur résidence leur permettra donc de réaliser une vidéo expérimentale, destinée par la suite à la projection spatialisée et au live musical.
Leur méthode de travail est empirique et expérimentale. Ils jonglent entre recherche et production, effectuant des allers-retours fréquents entre procédés analogiques (composition musicale, dessin, écriture, photographie argentique, sculpture et moulage) et déformations numériques (traitement sur les logiciels de compositing, modélisation 3D, photogrammétrie, tracking vidéo, et production sonore sur des logiciels de séquençage).
Le projet réalisé au Château Éphémère sera exposé aux ateliers Wonder à Nanterre, et au Sandberg Institute à Amsterdam.
Histoire de Zeuxis et Parrhasius :
Zeuxis ne discuta pas la victoire de Parrhasius. Ce dernier avait réussi à tromper des êtres humains, et non un animal qui ne cherchait qu’à s’alimenter.
Pablo Réol
Le travail de Pablo Réol a été montré en Allemagne à la Kunsthalle der Sparkasse de Leipzig, au Mexique à Oficina de Arte ou pour l’exposition Modern Love (Mexico City); en Suisse au Commun et au Centre de la Photographie de Genève ainsi qu’à Zurich en parallèle de la Manifesta 11 – Palais deTokyo hors les murs; à Cuba pour la 12eme Biennale de La Havane et en France notamment au FRAC Champagne Ardennes ; à l’occasion de la 66ème édition de l’exposition Jeune Création à la galerie Thaddaeus Ropac ; et plus récemment à la Maison des Arts Georges et Claude Pompidou ( Lot ). Pablo Réol est actuellement résident au sein des ateliers Wonder à Clichy.
Octave Rimbert-Rivière
Né en 1988, Octave Rimbert-Rivière est diplômé de l’ENSBA Lyon en 2013. Son travail a été montré dans plusieurs expositions dont From Transhumance to South Perspectives à Rowing, Londres, Le secret des moules à Bikini, Lyon, Sablons, Beetween Raw Vegetables and Peace Terms à la Galerie der HFBK, Hambourg, Prochainement Ici à l’espace d’art Verney Carron, Lyon ou encore Brekekex à Treize, Paris. Il a participé au cycle d’exposition des Galeries Nomades 2016 en partenariat avec L’Institut d’art contemporain de Villeurbanne et le centre d’art de la Halle de Pont-en-Royans et a exposé au 63 ème Salon de Montrouge et au FRAC Champagne Ardenne dans l’exposition Plein jeu #1.
Suivez son travail sur : octaverimbertriviere.com